Un vrai destin en or que celui du 470, dériveur créé il y a six décennies en France et aujourd’hui encore support olympique, en double mixte à Marseille l’an prochain. Traversant les époques, le « Quat’Sept » continue d’offrir des sensations uniques à de très nombreux adeptes de tous niveaux.
C’est sous un beau soleil et des conditions parfaites avec 15 à 20 nœuds de vent de Nord-est que s’est achevé la dernière édition du Championnat de France 470, disputé pour la deuxième année consécutive par l’Aquatic Club d’Alsace et de Lorraine (ACAL). La trentaine d’équipages en lice a pu s’offrir un épilogue spectaculaire sur le plan d’eau de Plobsheim, avec une victoire finale pour le duo Bernard Boime – Gilles Espinasse (CVSQ) et un sixième titre de Champion de France pour le barreur et président de la Classe 470 France. « On a eu droit à un beau Championnat de France », s’est réjoui Bernard Boime. « Le club est très bien organisé et le plan d’eau de Plobsheim est parfait pour la « voile-spectacle » parce que le vent est généralement bien dans l’axe et les bateaux passent tout près des berges. Traditionnellement le Championnat de France se déroule justement dans le Nord ou dans l’Est de la France car ce sont des zones avec des Flottes de 470 importantes. Et le Championnat de France est « Open », donc ouvert aux étrangers, donc cela permet à des équipages Belges, Hollandais, Allemands, Suisses ou Italiens de venir assez facilement. »
Malgré le covid la classe 470 en France continue d’attirer une centaine d’adhérents à l’année. « Ce qui manque probablement pour augmenter ce chiffre c’est d’encourager la pratique en dériveur « classique » dans les clubs », explique Bernard Boime, le président de la Classe 470 France. « On voit que les Écoles de Voile ont plus tendance à former les gens sur des catamarans. Finalement ça ne se redéveloppe que par l’activité des quelques clubs qui disposent de Flottes de 470 et où les adhérents actuels arrivent à attirer des nouveaux pratiquants sur le support ». Ce qui est sûr c’est que ce n’est pas un problème de manque de bateaux. 13 000 « Quat’Sept » ont été diffusés en France et il en reste près de 8 000 en état de naviguer. « Il y en a effectivement beaucoup dans les clubs, dans les hangars et les garages, et qui ne sortent que l’été ».
Le 470 a traversé les âges et fête en 2023 le 60e anniversaire de sa création. L’Histoire commence au Salon Nautique de 1962, quand André Cornu confie les dessins d’un dériveur de 4,70 m à Jean Morin, qui possède un chantier à Pessac en Gironde et qui donnera naissance au premier 470 en 1963. Dès ses premiers bords le 470 devient le « bateau du juste milieu » entre les dériveurs d’initiation pour les gabarits légers comme le 420, né 4 ans avant lui, et les Flying Dutchman ou 505, plus sportifs et destinés aux gabarits plus lourds. Les premières années, pour faire connaitre son bateau, Jean Morin participe à de nombreuses régates avec Jean-Claude Cornu, fils d'André Cornu et brillant régatier (il a notamment été champion du monde de 505 en 1961). En 1964, le duo participe à l'épreuve "Un par Série" qui consiste à comparer différents dériveurs et la même année, la Fédération Française de Yachting, ancêtre de la FFVoile en fait une classe nationale. Un peu plus de 10 ans plus tard et après un formidable succès populaire partout dans le monde, le 470 devient un bateau olympique, d’abord en catégorie « Open » en 1976 puis avec une compétition masculine et féminine à partir de 1988. A cette occasion le 470 devient d’ailleurs le premier support réservé aux femmes sur les épreuves des Jeux Olympiques. Il est aujourd’hui le seul dériveur olympique créé en France, et en 2024, pour les Jeux Olympiques de Paris, l’épreuve de 470 se disputera pour la première fois en double mixte.
60 ans après son lancement, la série compte de l'ordre de 42 000 unités réparties dans plus de 60 pays, et encore un grand nombre d’afficionados. Bernard Boime explique quelques-unes des raisons du succès : « C’est un bateau qui n’est pas trop toilé, sur lequel on peut naviguer dans de la brise assez facilement, contrairement à certains supports plus récents. C’est un bateau très stable, beaucoup plus qu’un 420 par exemple, donc on peut prendre beaucoup de plaisir à aller chercher le maximum du potentiel du bateau. Il est agréable, fin et tolérant donc convient pour tous types de pratiques, de la promenade en famille à la compétition de haut-niveau, où on trouve des bateaux avec beaucoup de réglages et qui sont des fantastiques machines. Il y a quand même un sacré nombre de marins, qu’ils soient encore dans le monde de l’olympisme ou désormais sur d’autres circuits de haut-niveau ou même en course au large, qui sont passés par le 470 ». Rien qu’en France, les légendes de la voile qui ont fait leurs armes en 470 sont nombreuses, des frères Pajot et Follenfant à Marc Bouet et Michel Briand, en passant évidemment par Thierry Péponnet et Luc Pillot, les seuls Champions olympiques Français en 470, en 1988 à Séoul. En attendant leur successeur, peut-être sur le plan d’eau de Marseille en Juillet prochain, les Français continuent de briller sur ce support, à l’image de Camille Lecointre et Aloïse Retornaz, médaillées de bronze aux derniers Jeux Olympiques à Tokyo. Depuis la naissance du 470 les Français ont remportés 286 médailles sur les championnats internationaux ! On devrait en retrouver un certain nombre, le 16 juillet prochain pour le dernier jour du Challenge Cornu organisé par le CN Lancieux, invités par la classe française à célébrer le 60e anniversaire de ce bateau mythique.
Une belle fête en perspective, avec également la parution du Grand Livre 470 pour les 10 dernières années, qui en appellera une autre pour l’été suivant et l’organisation à Biscarrosse du Masters World Championship, avec en lever de rideau, un Championnat de France 470 qui devrait attirer de nombreux équipages internationaux. Cette Master’s Cup est une des rares dernières compétitions internationales ouvert aux équipages « Open » pour une classe désormais tournée vers la mixité. « C’est vrai que ça a cassé la dynamique de beaucoup d’équipages et qu’on a désormais moins de duos engagés dans le très haut-niveau mais il faut reconnaitre que le 470 se prête très bien à des équipages mixtes », précise Bernard Boime. « D’ailleurs en « Amateur » il y en a toujours eu beaucoup. Le « revers de la médaille » c’est que, comme le bateau est aux JO, les compétitions internationales majeures se courent désormais quasi exclusivement en double mixte, donc ça devient compliqué pour les équipages d’amateurs éclairés non-mixtes de venir sur ces compétitions ».
Pour garder son vivier d’amateurs, la Classe 470 France a justement lancé plusieurs actions ces dernières années. Elle a notamment créé le « Promotour » il y a 11 ans maintenant, un circuit qui regroupe actuellement 5 régates inter-régionales ou nationales chaque année. « Ça permet de rassembler les Flottes sur quelques rendez-vous », explique Bernard Boime. « En général on profite de ces compétitions pour organiser des entrainements et des briefings techniques. Avec les étrangers qui viennent sur certaines épreuves ça fait environ 120 à 130 classés au final chaque année ». Depuis quelques années un classement « classique » a été créé au sein du « Promotour », réservé aux bateaux de plus de 20 ans. Une bonne façon d’offrir un enjeu sportif aux propriétaires de 470 plus anciens.
Le « Promotour » pour fidéliser et une opération « Primo » pour attirer de nouveaux adhérents. Depuis près de 8 ans, la Classe 470 France met à disposition 3 bateaux prêts à naviguer en compétition. « On les loue à des équipages pour 1 an, avec simplement l’engagement de disputer au moins 4 régates du « Promotour ». C’est une location très modique puisque ça ne leur coûte que 50 € par mois. Les bateaux sont mis à disposition avec les voiles et la remorque, il n’y a plus qu’à se déplacer pour faire des régates ». À la fin de l’année, les gens ont la possibilité de racheter le bateau, moins les 600 € déjà payés pour la location. Dans ce cas-là la Classe rachète un nouveau bateau pour pouvoir renouveler l’opération avec un nouvel équipage. « On a d’ailleurs actuellement des bateaux près à être loués dans le cadre de cette opération « Primo ». Avis aux amateurs ! », conclut Bernard Boime.
Plus récemment, la Classe 470 France a lancé une nouvelle opération appelée « Voile Olympique, voile pour tous ». « On fait le tour des clubs, avec des bateaux de compétitions et on invite des jeunes pour leur faire découvrir le bateau, la voile en double, les voiles, le trapèze, ect… Et puis on leur parle des Jeux Olympiques car le 470 est un des bateaux olympiques. On aura la chance d’avoir les JO à domicile dans un an donc ça intéresse de plus en plus les gens ». L’opération est d’ailleurs labelisée « Impact2024 » et s’est déjà déplacée à proximité de plusieurs grandes villes comme Paris, Lyon, Strasbourg et Bordeaux. « Cette année, on refera une opération à Paris puis en Bretagne le 13 juillet près de Saint-Malo. On en programmera d’autres d’ici la fin d’année. On a eu des bons retours médiatiques sur cette opération, avec plusieurs articles de presse et des reportages de télévision, donc c’est très positif ».
Reste encore quelques pistes à explorer pour continuer d’attirer de nouveaux équipages, notamment sur le passage du 420 au 470, pas si naturel que cela. Bernard Boime explique : « En 420 les jeunes ont généralement des bateaux de club et au moment de passer en 470 il faut investir et c’est souvent bloquant. On aimerait pouvoir nous-mêmes investir dans ces clubs qui comptent des équipages en 420 et les aider à faire cette transition mais c’est compliqué pour l’instant de trouver des structures prêtes à nous suivre ». En dehors du 420, la classe 470 a également des connexions étroites avec d’autres classes de dériveurs, comme les Fireball, les 505 ou les Finn. « On essaye de mutualiser un maximum de régates avec d’autres classes, que ce soit en Interséries mais surtout dans des compétitions où chaque support à ses propres départs. Ces regroupements intéressent pas mal les clubs car les Flottes ayant tendance à diminuer dans toutes les séries, ça permet d’avoir des compétitions avec un niveau de participation important. Et ça permet de mobiliser plus facilement des moyens techniques et des bénévoles ». Un bon moyen surtout de voir naviguer des 470, six décennies après sa création !
Le site officiel de l’AS 470 France : https://www.470france.org/
Le site de l’Aquatic Club d'Alsace et de Lorraine : https://www.acal67.com/championnat-de-france-de-classe-470-edition-2023/
Le TOP 10 du Championnat de France 470 Open 2023
1. Bernard BOIME – Gilles ESPINASSE (CVSQ)
2. Jan BALZER – Alexander KORNER (Allemagne)
3. Pieter VAN LEAR – Michel LEFEVRE (Belgique)
4. Hervé BERNAD – Alain BELLON (CN Ablon)
5. Thomas MERLIN (ESAM) – Nicolas GUICHET (CN Ablon)
6. Marc DE MEESTER – Virgil MATHIEU (Belgique)
7. Robert AUSTIN (CNCR) – Dominique LECLERC (CV des Flandres)
8. Thomas DE PRYCK – Emmeline DEDECKER (Belgique)
9. Vincent BERTHEUIL – Matthieu BERTHEUIL (CN Ablon)
10. Jean-Philippe DREYER – Bertrand BLANCHET (AOG Strasbourg)
Le classement complet : https://www.ffvoile.fr/ffv/sportif/ClmtCompetDet.asp?clid=187496
Crédit Photo : Gilles Maussion – DNA / Nicolas Ast